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Accord d’entreprise et forfait jours : peut-on baisser les minimas ?

L’inversion de la hiérarchie des normes a suscité des idées. La priorité donnée à l’accord d’entreprise a incité certaines entreprises à négocier des dérogations aux garanties prévues par les convention collectives concernant le forfait jours. Notamment, plusieurs conventions, parmi lesquelles celles de la métallurgie ou de la branche SYNTEC, fixent une rémunération et un coefficient minimum pour être soumis à ce type d’organisation. Considérant que ce sujet relève du temps de travail, les employeurs défendent qu’un accord d’entreprise peut y déroger. La réalité est-elle si simple ?

La hiérarchie des normes : une boite à idée pour les entreprises

Il fut un temps où l’articulation entre les différents accords et conventions étaient simples. Plus vous descendiez depuis la convention collective, plus les normes se devaient d’être favorables aux salariés. Ainsi, un accord d’entreprise ne pouvait qu’être plus avantageux qu’une convention de branche.

Tout cela, c’était avant. Au nom du dialogue socialTM et afin de permettre aux partenaires sociaux (et surtout à l’employeur) d’adapter les règles pour qu’elles tiennent compte des contraintes propres à l’entreprise, le législateur permet aux accords d’entreprises de déroger aux conventions collectives, même dans un sens moins favorables aux salariés.

La protection des blocs

Les sujets de négociation sont ainsi divisés en trois blocs. Le bloc 1, pour lequel la convention collective conserve la primauté, concerne notamment les salaires minimums et les classification. L’article L. 2253-1 du Code du travail liste ainsi 13 thèmes protégés par les conventions collectives. Le bloc 2 contient des thématiques pouvant être verrouillés par la convention, interdisant aux accords d’entreprise d’y déroger. Enfin, le bloc 3, qui contient tous les thèmes non listés par les bloc 1 et 2 (ce qui en fait tout de même pas mal), est celui dans lequel l’accord d’entreprise peut librement déroger aux conventions de branche. On y trouve notamment toutes les règles relatives à l’organisation du temps de travail.

Grâce à cette architecture, les entreprises peuvent forcer convaincre les syndicats d’accepter une adaptation à la baisse des garanties et règles fixées par la branche afin de favoriser la compétitivité de l’entreprise.

Le débat sur les forfait jours

Pour ce qui est des minimas conventionnels, il n’y a pas débat. Ceux-ci relèvent du bloc 1, il ne peut y être dérogé dans un sens défavorable par accord d’entreprise (enfin, jusqu’à aujourd’hui, le Gouvernement prévoyant de revenir sur cette règle).

Quelques ingénieux responsables RH se sont cependant posé la question pour ce qui est des conditions d’accès au forfait jours. Pour rappel, cette organisation permet de décompter le temps de travail des salariés en journées, et non en heures. Ainsi, qu’ils aient effectué sur un jour une heure ou douze, leur rémunération est la même (et ils en font généralement plutôt douze que une). Ce fonctionnement offre une grande souplesse à l’entreprise, en écartant notamment l’application des heures supplémentaires et des durées maximales de travail. En conséquence, le forfait jours ne peut concerner que les salariés, généralement cadres, disposant d’une grande autonomie dans leur organisation et des responsabilités afférentes. Le laveur de carreau ne peut être mis au forfait.

Les conventions instaurant le forfait doivent d’ailleurs prévoir des mesures de suivi efficaces de l’activité des salariés, afin de contrôler l’impact de celui-ci sur leur santé et sur leur équilibre entre vie privée et vie personnelle.

Surtout, et afin de tenir compte de l’amplitude horaire importante de ces salariés, les conventions imposent parfois des niveaux de rémunérations supérieurs aux minimas conventionnels.

Ainsi, l’article 4.4 de l’avenant du 1er avril 2014 relatif à la durée du travail à la convention Syntec prévoit que les salariés au forfait jours doivent bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de leur catégorie sur la base d'un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise. En outre, le forfait est réservé aux salariés occupant au minimum la position 3.1 (ou 2.3, mais avec un minima applicable dans ce cas de 122%).

Dans la métallurgie, l’article 139 de la nouvelle convention collective prévoit que les salariés au forfait jours doivent percevoir le salaire minimum attaché à leur coefficient majoré de 30%.

Le débat : condition d’accès ou salaire minimum ?

La question mérite d’être posée. Si la rémunération prévue par ces conventions ne s’apparente pas à un minima, un accord d’entreprise peut y déroger. Un employeur suffisamment persuasif pourra ainsi convaincre ses partenaires sociaux de prévoir des niveaux de rémunération moins favorables pour les salariés au forfait jours. L’intérêt est notamment de soumettre un plus grand nombre de salariés au forfait jours.

Alors, à quel bloc appartient la condition de rémunération des salariés au forfait ? S’il s’agit uniquement d’une condition liée au forfait, elle relève du temps de travail, et l’accord d’entreprise peut la modifier à loisir.

Pour la métallurgie, le débat semble tranché, puisque l’article 139, relatif aux rémunérations minimales, prévoit expressément que les minimas sont majorés pour les salariés au forfait.

En revanche, aucune précision en ce sens ne figure dans la convention Syntec. D’où la seconde question.

Qu’est-ce qu’un salaire minimum ?

L’article L. 2253-1 du Code du travail prévoit que les salaires minima hiérarchiques relèvent de la convention collective, un accord d’entreprise ne pouvant que prévoir une rémunération minimale plus favorable aux salariés.

Cependant, la notion de salaire minima n’est pas définie par la loi. Les contours de ce concept ont été débattu à l’occasion d’une audience du Conseil d’Etat, durant laquelle le Ministère du travail reprochait à une convention collective d’intégrer dans ses minimas certains compléments de salaire. Réponse du Conseil d’Etat, l’article L. 2253-1 du Code du travail ne définissant pas cette notion, les partenaires sociaux sont libres d’intégrer ce qu’ils souhaitent aux minimas hiérarchiques (Conseil d'État, arrêt du 7 octobre 2021, n°433.053).

Il n’y a ainsi pas de définition des minimas hiérarchiques, il n’est pas possible de dire que ceux-ci se limitent aux tableaux généralement annexés à la fin de la convention, prévoyant un minima par coefficient.

Toute référence à un minimum peut potentiellement être considérée comme telle, notamment pour les forfaits jours !

Le tacle discret du Conseil d’Etat

Lorsqu’une loi est obscure, les juges examinent les travaux parlementaires, des heures de passionnants débats et de discussions pacifiques et techniques entre députés et sénateurs, pour essayer de comprendre ce que le législateur a bien voulu vouloir dire. Sauf que, la réforme de la hiérarchie des normes, comme l’ensemble de la réforme Macron, a été adoptée par le biais d’ordonnances, c’est-à-dire des textes prêts-à-voter, rédigés par le Gouvernement, et soumis à la va-vite à un Parlement où le parti présidentiel était à l’époque majoritaire. Forcément, on y discute moins du fond des choses, et personne ne prend le temps de signaler un point peu clair des projets soumis.

Le Conseil d’Etat n’oublie pas de rappeler que ni l’ordonnance, ni ses travaux préparatoires, ne définissant la notion de salaire minimum, le Ministère ne peut venir reprocher après coup aux partenaires sociaux d’entendre la définition comme ils le souhaitent.

Un principe loin d’être tranché : quelles solutions pour les salariés ?

Comme précisé, il s’agit d’un débat, mais qui concerne une question bien pratique. Nombre d’entreprises sont aujourd’hui soumises à des accords prévoyant des conditions d’accès au forfait jours moins exigeantes que celles de leurs conventions collectives.

Si l’accord se limite aux conditions d’accès (type de poste, coefficient minimal…), la question relève bien du bloc 3, et la priorité revient à la négociation d’entreprise.

En revanche, si l’accord vient diminuer les conditions de rémunération, la solution n'est pas si simple.

Il pourrait raisonnablement être défendu que toute rémunération minimale imposée par la convention collective constitue un minima, et s'impose donc à l'employeur.

Le salarié pourra soit demander la différence entre la rémunération qu’il perçoit et celle prévue par la convention, ou même contester la validité du forfait.

Un autre argument allant dans le même sens et qui pourrait être invoqué est la cohérence entre le salaire appliqué et la charge de travail. Les minimas conventionnels correspondent en principe à un emploi à temps plein, soit à hauteur de 35 heures hebdomadaires. Appliquer le seul minima à un salarié au forfait, qui par nature travaille bien plus que 35 heures, n’a donc aucun sens. De même, prévoir un minimum inférieur à celui de la convention aurait pour conséquence de voir les salariés concernés toucher une rémunération sans rapport avec leurs horaires.

Les salariés pourront ainsi s’appuyer sur l’article L. 3121-61 du Code du travail, selon lequel un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours doit percevoir une rémunération en rapport avec les sujétions qui lui sont imposées. A défaut, le salarié peut prétendre à une indemnisation.

Si on rapporte leur rémunération au taux horaire, même si la notion ne s’applique pas aux salariés au forfait jours, ceux-ci percevraient bien moins qu’un salarié aux 35 heures, voir même moins que le salaire horaire minimum. Il y a donc de quoi s'interroger !

Cela va dans le sens que les minimas garantissent une rémunération correspondant à la juste rétribution du travail des salariés. Compte-tenu de leurs spécifitiés, les salariés au forfait jours doivent avoir leur propre minima.

De quoi alimenter les débats devant les conseils de prud'hommes.

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