La bonne vielle mutation à Cayenne (à ne pas confondre avec la Mayenne), rien de plus simple pour écarter un salarié chagrin. Cependant, et heureusement, la loi et la jurisprudence apportent des limites bienvenues au pouvoir de l’employeur en la matière. Cependant, et alors qu'une légende tenace veut que les salariés protégés puissent refuser tout changement de leurs conditions de travail, la réalité est plus complexe. Prudence, donc !
Deux notions sont essentielles : la jurisprudence distingue la modification des éléments essentiels du contrat de travail, du simple changement des conditions de travail. L’employeur doit obtenir l’accord du salarié pour le premier, et peut imposer unilatéralement le second.
L’employeur est ainsi tenu par un principe lui interdisant de modifier le contrat de travail d’un salarié. Il doit donc respecter les éléments essentiels du contrat, qui sont :
La notion de changement des conditions de travail est étudiée au cas par cas par les juridictions. Par exemple, un changement d’horaires, ou le fait de confier une nouvelle mission relevant de la qualification du salarié, constituent de simples changements des conditions de travail, de même qu’une affectation sur un nouveau lieu de travail situé dans le même secteur géographique.
Pour la modification du lieu de travail, une question doit se poser : concerne-t-elle le même secteur géographique ? Par secteur géographique, on entend une zone où les moyens de transports permettent d’effectuer le trajet aller/retour domicile/lieu de travail sur la journée. Une agglomération est considérée comme un secteur géographique. Dans le même secteur géographique, l’employeur peut modifier le lieu de travail. En revanche, pour sortir un salarié de sa zone, il faut que son contrat contienne une clause de mobilité. La clause doit définir avec précision une zone de mobilité (le monde entier, tous les futurs établissements que la société ouvrira, la lune… ne sont pas considérés comme des zones géographiques précises). Il a déjà été jugé qu’une liste de départements, un, ou plusieurs pays, ou même une zone géographique comme l’Union Européenne, constituent une définition précise du périmètre au sein duquel un salarié peut être muté.
En l’absence d’une telle clause, aucune mutation en dehors de leur secteur géographique ne peut être imposée.
Le refus d’une nouvelle affectation dans le même secteur géographique ou dans la zone prévue par une clause de mobilité peut constituer un motif de licenciement. Si certains employeurs n’hésitent pas à se placer sur le terrain de la faute grave, plusieurs conseils de prud’hommes considèrent qu’il s’agit simplement d’un motif réel et sérieux lorsque le changement génère des contraintes importantes pour le salarié (par exemple en termes de temps de transport).
Dans tous les cas, le refus peut justifier une rupture du contrat de travail.
Le salarié peut néanmoins refuser s’il justifie de contraintes personnelles graves. La modification du lieu de travail ne doit également pas s’accompagner d’autres modification du contrat du salarié concerné (type passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit).
Le saviez-vous ? L’article L. 1132-3-2 du Code du travail prévoit qu’un salarié peut refuser une mutation dans un pays où son orientation sexuelle est considérée comme un crime et réprimée. |
Le droit de l’employeur d’appliquer une clause de mobilité, ou de mettre en œuvre la mobilité d’un salarié dans le même secteur géographique, n’est pas sans limite.
Si la mobilité s'accompagne d’autres modifications du contrat, l'accord du salarié est nécessaire à sa mise en œuvre. Cela est par exemple le cas quand la mobilité entraine une modification des fonctions, de la rémunération, ou bien encore un changement important des horaires de travail.
Un salarié peut ainsi refuser une mobilité lorsque les fonctions nouvelles sont entièrement différentes des précédentes par leur nature (Cour de Cassation chambre sociale 28 novembre 1989 n°87-43.561) ou que celle-ci entraine une modification substantielle de la charge du travail et des contraintes imposées (Cour de Cassation chambre sociale 18 mai 1999 n° 96-44.097). Un salarié travaillant de jour ne peut ainsi être affecté à un poste de même nuit, même s’il se trouve dans le périmètre de sa clause de mobilité.
La Cour de cassation a également jugé que, au-delà d’une modification d’un autre élément du contrat, la mise en œuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle entraîne une réduction de sa rémunération (Cour de Cassation chambre sociale 15 décembre 2004 n°02-44.714). Dans les faits, il s’agit généralement de jurisprudences concernant des salariés disposant d’une rémunération variable, affectés à un établissement où l’activité ne leur permettra pas de bénéficier du même niveau de salaires.
La mise en œuvre de la clause de mobilité ne peut non plus modifier l’organisation du temps de travail du salarié, par exemple quand celui-ci est organisé sous forme de cycles (Cour de Cassation chambre sociale 17 septembre 2008 n°06-45.797).
Ainsi, la mobilité ne peut entrainer :
En outre, les salariés peuvent s’opposer à la mobilité si elle modifie un autre élément de leur contrat de travail, notamment leurs fonctions contractuelles.
Les représentants du personnel disposent d’une protection spécifique. L’employeur ne peut leur imposer ni modification de leur contrat, ni même aucun changement de leurs conditions de travail. Leur accord préalable est impératif.
La Cour de cassation a statué plusieurs fois en ce sens (quelques références à rappeler à votre RH : Cour de Cassation, Chambre sociale, du 25 novembre 1997, 94-42.727 ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 juillet 2019, 18-14.762).
L’employeur doit obtenir leur consentement. Même pour les installer dans le bureau d’en face ou changer leur casier, l’employeur doit obtenir leur validation. Il ne peut passer en force.
Oui, mais… Le refus d’un salarié protégé d’accepter un changement de ses conditions de travail peut être considéré comme fautif s’il correspond au contrat de travail du salarié (par exemple une mutation dans le même secteur géographique).
L’employeur a alors deux possibilités :
Si l’Inspecteur du travail considère que le refus du salarié est abusif, il risque d’autoriser son licenciement. L’intéressé peut néanmoins se défendre en mettant en avant que la mobilité aurait un impact sur d’autres éléments de son contrat (rémunération, modification des fonctions…). Bien évidemment, l’employeur ne doit pas commettre d’abus de droit en mutant le salarié. Le changement d’affectation d’un membre du CSE venant de demander le déclenchement d’une enquête ou d’une expertise sera considéré comme abusif.
Avant de dire non, il vaut mieux analyser si le refus est ou non légitime. Comme ligne directrice, le représentant peut se demander si un salarié dépourvu de mandat serait lui-même en droit de dire non.
En principe, un changement d’affectation ne fait pas perdre son mandat à un représentant du personnel. Cependant, un tempérament existe cependant dans le cas d’une entreprise découpée en plusieurs établissements distincts, possédant chacun un CSE propre.
Le principe posé par la Cour de cassation est que, lorsqu’un salarié protégé est muté dans un autre établissement que celui où il est élu, il perd son mandat. La Cour prévoit cependant que le salarié doit accepter sa mutation, et qu’il faut que le transfert s’opère vers un établissement bénéficiant d’un CSE différent.
Pour rappel, le refus du transfert par un élu peut être abusif si le nouvel établissement est dans le même secteur géographique, ou dans la zone de la clause de mobilité. Cependant, si la mobilité s’accompagne de modifications d’autres éléments du contrat, comme la rémunération, le salarié peut légitimement refuser.
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