C’était un feuilleton qui durait depuis quelques années, les salariés en télétravail doivent-ils bénéficier des titres restaurants comme les autres ? Les tribunaux judiciaires, les cours d’appel, l’URSSAF, l’Inspection du Travail, les restaurateurs, le Medef, tout le monde avait un avis sur la question. La Cour de cassation vient de trancher, coupant court aux discussions. Enfin presque...
Le débat sur l’égalité de traitement entre salariés à distance et ceux sur site s’est révélé assez houleux. Plusieurs entreprises ont considéré que ces salariés n’en avaient pas besoin, puisqu’ils pouvaient manger chez eux, à l’inverse de ceux venant sur site et soumis aux prix de la restauration.
Pourtant, l’article L. 1222-9 du Code du travail et l’article 4 de l’ANI relatif au télétravail du 19 juillet 2005 prévoient que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail sur le site de l’entreprise. De même, l’URSSAF a précisé sur son site qu’un salarié en télétravail qui réalise une journée avec une pause méridienne réservée à la prise d’un repas a droit à l’attribution d’un titre-restaurant.
Plusieurs actions en justice ont néanmoins donné des solutions contradictoires ces derniers temps sur cette question, notamment provenant des cours d’appel de Versailles et de Paris, preuve que des juges voisins ne s’entendent pas forcément bien.
Faute d’une décision claire sur le sujet, certaines entreprises continuaient de n’accorder des tickets restaurants que pour les jours de présences. Une pratique qui risque d’être amenée à changer.
Saisie de deux affaires sur le sujet, la Cour de cassation a déployé un raisonnement somme toute assez simple.
L’article L. 1222-9 du Code du travail prévoit que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise. L’employeur ne peut donc refuser l'octroi de titres-restaurant à des salariés au seul motif qu'ils exercent leur activité en télétravail.
Pas besoin d’années de controverse…
A l’heure où les employeurs reviennent au tout présentiel, espérons que cette décision ne devienne pas rapidement obsolète. L’argument de mauvaise foi du patron : Je ne peux pas maintenir le télétravail, avec la décision sur les tickets restos, ça coute vraiment trop cher. La faute aux juges.
L’argument de mauvaise foi du patron : "Je ne peux pas maintenir le télétravail, avec la décision sur les tickets restos, ça coute vraiment trop cher. La faute aux juges."
La situation visée par la Cour dans le premier arrêt est assez binaire : il y a les salariés en télétravail, et il y a les salariés qui ne sont pas en télétravail. Comme ils doivent être traités de la même manière, il faut donner les titres restaurants aux deux.
Cependant, certains cas sont plus subtils, des situations où il existe plusieurs catégories de salariés, et où seule l’une d’entre elle bénéficie de tickets restos. Par exemple, une entreprise où il y a des travailleurs itinérants avec tickets restos, des télétravailleurs et des sédentaires mangeant à la cantine. Ou une entreprise multisites, où certains sites bénéficient d’un restaurant d’entreprise et d’autres de tickets restaurants. Dans ces cas, avec quels salariés doit-on comparer les télétravailleurs ? Pour ces différents hypothèses, la question est plus complexe qu’une simple égalité entre travailleurs sur site et télétravailleurs. Un élément objectif justifie l’octroi de tickets restaurants, un élément pouvant justifier une différence avec d’autres salariés.
La deuxième affaire traitée par la Cour de cassation concernait un cas où l’octroi des tickets restaurants était accordé aux salariés itinérants par un usage, justifié par le fait que ces salariés n’avaient pas accès au restaurant d’entreprise. Selon leur employeur, les salariés en télétravail, qui peuvent venir déjeuner sur site, n’étaient pas concernés par cette problématique, et n’avaient donc pas à recevoir de tickets restos.
Une telle justification peut-elle autoriser une différence de traitement ? La Cour n’y répond pas car, en réalité, dans l’arrêt, le restaurant d’entreprise était fermé du fait du Covid. Tous les salariés étaient donc placés dans la même situation, tous devaient donc bénéficier des tickets restaurants. Néanmoins, la Cour semble ouvrir la porte à une possibilité pour l’employeur de justifier une différence de traitement avec les télétravailleurs.
Sur cette question spécifique, la cour d’appel de Paris a déjà pu juger que les situations, d’un côté, des télétravailleurs et des salariés travaillant sur site bénéficiant d'un restaurant d'entreprise, et, de l’autre côté, des salariés qui n'ont pas accès au restaurant d'entreprise et bénéficiant de titres restaurant, n’étaient pas comparable. A défaut de situation comparable, le principe d’égalité de traitement ne trouve pas à s’appliquer (Cour d’appel de Paris, 4 avr. 2024, nº23/03082 ; Cour d’appel de Paris, et 16 novembre 2023, RG nº 22/12401).
A l’inverse, la Cour d’appel de Versailles juge que les titres-restaurants ne sont pas la contrepartie d’un repas pris hors du domicile, mais un avantage financier lié au fait que le salarié prenne un repas au cours de sa journée de travail. Dès lors, il convient de retenir que les salariés placés en télétravail sont tous placés dans une situation similaire au regard du droit à l’attribution des titres-restaurants s’ils prennent un repas au cours de leur journée de travail (CA Versailles, 23 nov. 2023, nº 22/01633).
Bref, le débat reste ouvert. L’employeur ne peut pas uniquement invoquer le fait d’être en télétravail pour refuser l’octroi des tickets restos. En revanche, il semble pouvoir invoquer d’autres éléments objectifs pour réserver les tickets restaurants à certains groupes de salariés.
Le point à vérifier avant d’aller toquer chez le DRH : est-ce que les tickets restaurants sont accordés à tous, ou uniquement à certains salariés pour des motifs objectifs ? Si vous cochez la réponse 2, une petite analyse de la situation s’impose avant toute réclamation.
Cour de cassation, arrêt du 8 octobre 2025, Pourvois n° 24-12.373 et n° 24-10.566
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