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Pas si simple, l’APC

Nous ne remettrons pas une pièce dans le jukebox pour dire tout le mal que nous pensons des APC (nous ne jugeons néanmoins pas ceux qui en signent). Cependant, ces accords de performance collective posent quelques problèmes moraux en ce qu’ils permettent de modifier les conditions des contrats individuels des salariés sans avoir à justifier d’un motif économique. Heureusement, la Cour de cassation veille au grain !

Un grand pouvoir, mais une grande responsabilité

L’accord de performance collective repose sur un équilibre simple : en le signant, les représentants des salariés autorisent l’employeur à modifier les contrats de leurs collègues afin « de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi ». On le précisera, quand on parle de modifier les contrats, c’est à la baisse. Les salariés font des efforts afin de permettre à l’entreprise de se développer, ou de se préserver. Concrètement, l’accord peut imposer une baisse des rémunérations ou une hausse du temps de travail lorsque l’entreprise est dans une mauvaise passe ou doit devenir plus compétitive. Un accord salariés gagnants/employeur gagnant en apparence…

Sauf que ! Le contrat de travail est un sanctuaire, il contient les conditions pour lesquelles le salarié s’est engagé, et que l’employeur ne peut modifier unilatéralement. Ses éléments essentiels, le salaire, l’organisation du temps de travail, le secteur géographique et les fonctions, sont ainsi protégés. Le premier problème est qu’un APC permet de modifier ces points essentiels, à la baisse donc, sans l’accord des salariés. Le deuxième problème est que la justification permettant à l’employeur de modifier les contrats est tout de même assez floue, cette notion de nécessités de fonctionnement de l’entreprise étant tout de même assez large, et l’employeur pourrait justifier le recours à l’APC pour n’importe quel prétexte. Troisième problème, les salariés qui refusent de voir leurs contrats modifiés sont licenciés, l’article L. 2254-2 du Code du travail considérant qu’il s’agit, en soi, d’un motif de licenciement.

Lorsque l’APC est sorti, les commentateurs avaient soulevé est que la possibilité pour l’employeur d’imposer un choix entre une modification du contrat ou la porte de l’entreprise existait déjà et était encadrée : il s’agissait de la procédure de licenciement économique. Avant de licencier les salariés, l’entreprise peut leur proposer une modification de leurs contrats. Cependant, l’employeur doit justifier dans un tel cas l’existence d’un motif économique qui justifie les modifications demandées (« On a plus d’argent, acceptez de baisser vos salaires… »). Il n’en existe que quatre (notamment les difficultés économiques et la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité), ce qui réduit le champ des possibles.

Avec l’APC, l’employeur peut imposer des modifications des contrats, sans être tenu par l’exigence de justification du motif économique. Le calcul est donc simple, l’employeur doit juste convaincre les représentants de signer l’APC (et on sait qu’il peut être convaincant) pour pouvoir modifier les contrats des salariés, sans avoir à justifier d’un motif économique.

Le risque était donc grand de voir les APC offrir une grande marge de manœuvre à l’entreprise au détriment des salariés, sans que celle-ci n’en ait réellement besoin.

Vous … n’APC … pas (comprendra qui pourra)

Si l’APC n’est pas très populaire parmi les salariés, c’est que ceux qui refusent son application risquent de se voir licencier, alors qu’au fond ils ne font que refuser une modification de leurs contrats.

Comme le Code du travail considère que le refus de se voir appliquer l’APC constitue un motif de licenciement, nombreuses étaient les juridictions qui considéraient que l’accord vaut parole d’évangile dès qu’il est signé. Il n’y aurait pas besoin de vérifier s’il est réellement nécessaire à l’entreprise.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. La France est liée par un principe international, fixé par l’OIT, voulant que la rupture d’un contrat de travail repose sur un motif réel est sérieux. Une loi ne peut pas présumer qu’une situation constitue automatiquement un motif de licenciement, les juges doivent tout de même vérifier la légitimité de la rupture. En matière d’APC, même si celui-ci a été signé par les partenaires sociaux, les juges doivent contrôler, lorsqu’un salarié est licencié pour avoir refusé son application, s’il répond bien aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise, ou à une volonté de préserver ou de développer l’emploi.

L’accord doit donc faire un effort de démonstration pour prouver qu’il est nécessaire. Dans le cas jugé par la Cour, l’accord évoquait de manière très floue une volonté de développer l’activité de l’entreprise pour devenir leader sur son secteur… Avec la décision de la Cour de cassation, ces justifications vagues et imprécises (qui ressemblent d’ailleurs beaucoup aux préambules des lois votées par nos politiques…) ne suffiront plus. Un accord voulant modifier les secteurs géographiques des salariés devra expliquer par exemple qu’il a besoin de réaffecter les salariés sur d’autres sites manquant de personnel ou situés dans des zones moins chères, un APC souhaitant supprimer des primes devra justifier le besoin de liquidités par l’objectif de dégager de la marge pour ouvrir de nouveaux recrutement… Une explication par A+B sera ainsi nécessaire, ce sera la fin des grandes déclarations type « nous allons traverser l’océan ensemble, plus vite, plus fort, mais c’est vous qui allez ramer gratuitement ».

Pourquoi faut-il rester méfiant ?

La Cour de cassation a fixé un garde-fou, mais l’APC reste tout de même une bonne affaire pour l’entreprise. En effet, aucune limite n’est fixée pour le type de justification que l’employeur doit fournir lors de la négociation d’un APC. Celui-ci peut donc être signé même si l’entreprise ne rencontre pas de difficultés économiques, ou toute autre situation relevant d’un des motifs économiques prévus par la loi. Une entreprise en pleine santé peut donc imposer par un APC que ses salariés renoncent à une prime ou à un avantage, dès lors qu’elle apporte une justification liée à ses nécessité ou à la création et la préservation de l’emploi. On peut donc imaginer un accord réduisant la rémunération pour pouvoir employer de nouveaux salariés.

L’APC n’est donc pas lié à la situation économique de l’entreprise, ce qui impose aux représentants des salariés de faire preuve de prudence. La négociation doit donc être l’occasion pour eux de passer à la moulinette les justifications avancées par le patron !

Cour de cassation, arrêt du 10 septembre 2025, n°23-23.231

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