Hasard du calendrier, ou volonté de grouper les décisions risquant de provoquer une syncope aux organisations patronales, la Cour de cassation a rendu le même jour deux décisions relatives aux congés payés. L’une d’elle impose de prendre en compte les congés payés pour calculer les heures supplémentaires. Petite explication des raisons pour lesquelles votre employeur va encore crier au scandale.
L’affaire du jour concerne le calcul des fameuses 35 heures, le seuil constituant la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet selon l’article L. 3121-27 du Code du travail. Contrairement à une idée reçue, on ne travaille pas 35 heures en France, il s’agit uniquement du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. L’article L. 3121-28 du Code du travail précise ainsi que toute heure accomplie au-delà de cette durée est une heure supplémentaire qui ouvre droit aux majorations.
En réalité, c’est un poil plus complexe, puisque de nombreuses entreprises ont recours à des dispositifs d’aménagement du temps de travail, type annualisation, et que la règle ne concerne pas certains salariés, notamment les cadres au forfait.
La question à une heure sup concernait le calcul du seuil de déclenchement applicable lorsqu’un salarié prenait une journée de congé sur une semaine. Pour prendre un exemple, imaginons un salarié aux 35 heures, soit sept heures par jour, qui poserait son vendredi. Il ne travaillerait ainsi que 28 heures sur la semaine en question. Imaginons qu’il travaille deux heures plus le jeudi soir pour boucler sa semaine, faisant ainsi 30 heures. Les deux heures excédentaires devraient être rémunérées, mais ne seraient pas majorées, comme le salarié n’a pas dépassé les 35 heures sur la semaine.
La Cour de cassation vient de nous livrer une autre interprétation. Selon elle, le salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine. Concrètement, il faut reconstituer fictivement la semaine, en comptant la journée de congés en fonction de l’horaire du salarié. Pour reprendre l’exemple, le salarié travaillant sept heures par jour, il faut tenir compte de ces sept heures pour voir si le seuil de 35 heures est dépassé. En l’occurrence, si le salarié avait travaillé le vendredi, il aurait effectué 37 heures, soit deux heures supplémentaires. Les deux heures du jeudi doivent donc être majorées.
Le patron va critiquer l’Europe, il aura en partie raison. La Cour de cassation s’est en effet appuyée sur un principe édicté par la CJUE, interdisant toute règle produisant un effet dissuasif sur la prise de congé annuel. En pratique, risquer de ne pas bénéficier des majorations pourrait dissuader certains salariés de prendre une journée de congé (on l’admet, ça parait un peu léger comme motif pour refuser de prendre sa journée).
Cependant, cette solution concerne l’hypothèse des salariés soumis aux 35 heures de droit commun, c’est-à-dire calculée sur une semaine civile de travail. Cette hypothèse devient de plus en plus rare, les entreprises pouvant mettre en place, via la négociation notamment, des organisations sur des périodes plus longues. Typiquement, un salarié annualisé ne générera des heures supplémentaires que s’il dépasse un seuil annuel de 1607 heures. Dans ce type d’organisation, les semaines se compensent entres elles, une semaine à 40 heures ne permettant pas de prétendre immédiatement à des heures supplémentaires, le calcul étant effectué en fin d’année. Or, le seuil de 1607 heures a été calculé en tenant compte des congés annuels. Ainsi, pour les salariés annualisés, les heures supplémentaires seront calculées de la même manière, quelle que soit la façon dont ils ont posé leurs congés payés.
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