Le sujet pour mettre de l'ambiance au repas de famille.
L’omnipotente Ministre du travail, de la santé, de la sécurité sociale, de la famille, de la solidarité, et de l’égalité des droits (on en oublie qu’on a aussi une vraie ministre dédiée au travail) était invitée à se prononcer sur un sujet brulant : les boulangeries pourront-elles ouvrir le 1er mai ? L'occasion d'un rappel juridique, mais aussi historique.
Certains l’auront peut-être remarqué, les villes le 1er mai ressemblent à une bourgade de Far West dans l’instant qui précède un duel. Pas âme qui vive, une activité proche de l’encéphalogramme plat, mais tout de même quelques rayons de soleil pour éclairer les bottes de foins mollement balayées par le vent. Et dans ce marasme, même pas une boulangerie d’ouverte !
C’est que le 1er mai est le seul jour légalement férié. Qu’on se comprenne bien, les autres jours sont fériés parce que les conventions collectives, et non la loi, le prévoient, mais ce n’est pas le cas dans tous les secteurs. De même, si vous habitez près du Rhin, vous avez sûrement observé d’autres mœurs, issus des visites de nos voisins à l’accent martial.
Le 1er mai, lui, est fixé par le Code du travail, et son article L. 3133-4 plus précisément, qui prévoit que le 1er mai est jour férié et chômé. Il est donc interdit de faire travailler ses salariés.
Un seule exception est prévue par l‘article L. 3133-6 du Code du travail. Ainsi, les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, peuvent faire travailleur leurs salariés. Ceux-ci ont droit une rémunération doublée pour cette journée.
La Cour de cassation a jugé qu’il appartenait à celui qui se prévaut de cette exception d'établir que la nature de l'activité qu’il exerce ne permet pas d'interrompre le travail le jour du 1er mai (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 mars 2006, n°05-83.436). Concrètement, il faut pouvoir prouver que l’activité de l’entreprise ne permet pas d’interrompre le travail.
Au pays de la baguette, ce débat vaut bien une controverse concernant les boulangeries.
Le dimanche, tout le monde est habitué à pouvoir aller acheter au moins sa baguette est ses croissants [note pour le rédacteur : évitez le débat pain au chocolat/chocolatine, partez sur une viennoiserie consensuelle] le matin. C’est qu’il existe une exception au repos dominical concernant expressément les commerces de bouche (vous pouvez aussi aller chez le primeur ou le boucher selon que vous soyez team légumes ou team viandards).
En revanche, une telle exception n’est pas prévue pour le cas spécifique du 1er mai. Faute d’une telle exception, les boulangers souhaitant ouvrir doivent pouvoir démontrer que leur activité ne leur permet pas d’interrompre le travail, ce qui est compliqué pour un commerce fermant généralement au moins une journée dans la semaine. Plusieurs radios et journaux locaux ont d’ailleurs invité des propriétaires de boulangeries venant témoigner du fait qu’ils avaient toujours ouverts le 1er mai, et qu’ils provisionnaient généralement le prix de l’amende. Car, oui, faire travailler des salariés cette journée est une infraction, et l’Inspection du travail peut contraindre les contrevenants à fermer.
Pour remédier à cette impasse, la seule solution passe par une modification de la loi. Des Sénateurs se sont chargés de rédiger une propostion, mais, dans la joyeuse ambiance régnant actuellement au sein du Parlement, il y a peu de chance que le sujet soit traité d’ici ce jeudi…
On a tendance à l’oublier. Le premier mai commémore deux tragédies.
Du côté de chez nous, le jour férié rappelle la tristement célèbre fusillade de Fourmies, survenue le 1er mai 1891 à Fourmies, dans le Nord. Une manifestation pacifique revendiquait la journée de huit heures malgré l’opposition du patronat local. Plusieurs des patrons, qui étaient également élus locaux, firent appeler l’armée pour « rétablir l’ordre ». Bilan : neuf morts, dont deux enfants, et plus de trente-cinq blessés. Pour couronner le tout, neuf des manifestants furent poursuivis et condamnés pour entrave à la liberté de travail, outrage et violence à agent et rébellion, à des peines de prison. L’un des meneurs de la grève écopa même de six ans de travaux forcés.
Cette tragédie suit en réalité le Massacre de Haymarket Square, une manifestation américaine réprimée dans le sang le 1er mai 1886. A la suite de celle-ci, un attentat visa les policiers, entrainant la condamnation à mort de plusieurs militants anarchistes accusés d’en être à l’origine. Selon plusieurs historiens, l’attentat pourrait en réalité avoir été organisé par une agence de détectives chargée de briser la grève. Le mouvement de protestation qui suivit leur procès entraina une revendication mondiale pour l'instauration de la journée de huit heures et pour la création d’une journée internationale des travailleurs le 1er mai, date retenue le mouvement national ouvrier (c'est d'ailleurs pour cela que les travailleurs de Fourmies organisèrent leur manifestation un 1er mai).
En France, le 1er mai ne deviendra férié qu'en 1919.
L’anecdote pour briller : parmi les instigateurs condamnés à de la prison pour avoir déclenché les émeutes de Fourmies figure le député Paul Lafargue (comme quoi politique et prison n’étaient déjà, à l’époque, pas antinomiques). Celui-ci laissa surtout à la postérité l’expression dévoyée du « droit à la paresse », titre d’un de ses ouvrages.
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