Vous pensiez la tempête de l’interdiction des conditions d’ancienneté passée, et vous pensiez surtout avoir trouvé la parade en fixant une modulation des prestations en fonction de l’ancienneté (nuance !). La Cour de cassation n’a hélas pas fini de vous tourmenter : la modulation aussi est interdite. Certains trésoriers ont déjà commencé à barricader le local de leur CSE.
"Donnez-moi mon panier garni de Noël !!!"
Inutile de revenir sur le chaos qui suivit la décision de la Cour de cassation relative aux conditions d’ancienneté. Encouragés notamment par l’URSSAF, nombreux étaient les CSE qui avaient trouvé dans la condition d’ancienneté minimale un moyen pour maitriser leurs budgets tout en assurant une certaine équité parmi les salariés. En interdisant le recours à ces clauses, la Cour a provoqué un réel embarras parmi tous ces élus.
La position de la Cour de cassation n’était cependant pas illogique. En se fondant sur les articles L. 2312-78 et R. 2312-35 du code du travail, qui prévoient que les ASC doivent bénéficier à l’ensemble des salariés, elle a rappelé que l'ouverture du droit de l'ensemble des salariés et des stagiaires aux activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d'ancienneté.
Des esprits avisés pensaient alors avoir la solution : la Cour de cassation interdit de conditionner l’accès à une condition d’ancienneté, mais elle n’a pas parlé de moduler le montant des prestations en fonction de l’ancienneté ! Voici la solution : modulons les montants versés. Un an, 100% du chèque Noël, six mois, 50%...
Sauf que…
Dans l’affaire jugée par la Cour, le CSE proposait deux montants différents, selon que les salariés aient ou non été présents de manière effective depuis au moins six mois au sein de l'établissement. Plusieurs salariés ont mis en avant qu’une telle condition constituait une discrimination. La Cour de cassation leur donne raison, en adoptant le même raisonnement que pour les conditions d’ancienneté stricte. Sur le plan strictement juridique, on peut hélas difficilement lui donner tort. En effet, les textes prévoient un accès sans distinction à tous les salariés, aucune possibilité de modulation ou d’exclusion n’étant prévue. Surtout, les ASC doivent être indépendantes de tout critère professionnel, ce qui est donc antinomique avec l’ancienneté dans l’emploi.
Moralité de l’histoire, pas de condition d’ancienneté, ni de modulation des prestations selon celle-ci.
Note : dans le film d’horreur où les élus de CSE en séminaire dans une cabane au fond des bois se dont décimer les uns après les autres par un tueurs en série (Souviens toi le CSE dernier), le rôle du méchant revient souvent à l’URSSAF. Pourtant, dans l’arrêt en question, la contestation venait des collègues, appuyés par un syndicat. N’oublions jamais que le choix des critères d’attribution est avant tout un sujet sensible pour les salariés eux-mêmes. |
En outre, et même si la Cour ne s’est pas expressément prononcée sur le sujet, il est toujours bon de s’intéresser à la notion de « présence effective » adoptée par le comité. En effet, exiger une présence effective minimale peut également être considéré comme une condition discriminatoire, notamment parce qu’elle peut exclure les salariés en arrêt de travail de longue durée.
C’est la stratégie adoptée par certains CSE pour contourner le problème : allouer une enveloppe mensuelle, que les salariés sont libres d’utiliser immédiatement ou de cagnotter tout au long de l’année, pour acquérir les prestations de leur choix. Sur le papier, cela permet d’adapter les montants distribués en tenant compte des situations particulières (arrivée en cours d’année, contrats courts…). Certains considèrent qu’il s’agit d’une manière d’appliquer une modulation sans en prononcer le nom. Si l’on se place sur le terrain juridique, un tel système n’est pas discriminatoire, puisque tous les salariés en bénéficient de la même manière, et dès leur premier jour au sein de l’entreprise. Rien n’impose non plus de distribuer une fois par an les ASC, et le système ne vise pas une activité en particulier, puisque les salariés peuvent utiliser leurs cagnottes pour l’ensemble des prestations du CSE (attention tout de même aux cadeaux et bons cadeaux). Il ne s’agit donc pas d’une modulation d’un avantage.
Pour le moment, l’URSSAF semble tolérer la pratique, et aucune juridiction n’a, à notre connaissance, invalidée celle-ci. Reste à voir ce que la Cour de cassation en pensera dans le futur.
Pour un article (passionnant) sur les moyens du CSE pour contourner les conditions d’ancienneté : c’est ICI.
Cour de cassation 12 mars 2025 Pourvoi n° 23-21.223
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