Le travail est une savane hostile et aride où le vent balaie les ossements de ceux trop faibles pour s’élever dans la chaine alimentaire. Pour y survivre, il ne faut s’y encombrer d’aucune amitié, d’aucun sentiment. C’est ce qu’un employeur a voulu rappeler à un salarié ayant eu la faiblesse d’aider un de ses amis sur un chantier alors qu’il était en arrêt de travail. Heureusement, la Cour de cassation conserve quelques valeurs.
L’affaire du jour concerne un salarié placé en arrêt à la suite d’un accident de travail. S’inquiétant pour sa santé, son employeur surveilla que celui-ci s’adonne bien au repos prescrit par le médecin. Las, l’employeur, et l’huissier qui l’accompagnait, découvrirent que le salarié travaillait durant son arrêt sur un chantier (une thérapie basée sur le principe « le travail c’est la santé »). Celui-ci s’est alors justifié en indiquant donner simplement un "coup de main" sur ce chantier représentant le coulage de 70 m² de béton.
Les explications n’eurent pas le résultat escompté, le salarié fut prestement licencié pour faute grave, et le Conseil de prud’hommes interrogé sur la validé de ce licenciement. En l’occurrence, la lettre de licenciement reprochait principalement au salarié d'avoir été surpris en train de travailler chez un particulier durant son arrêt maladie.
Petit point sur les règles : en application de l’article L. 1226-9 du Code du travail, un salarié en arrêt de travail d’origine professionnelle ne peut être licencié que si l’employeur justifie d’une faute grave à son encontre. Et comme le salarié ne travaille plus, cette faute réside uniquement dans une violation du principe de loyauté. |
L’arrêt de travail créée deux séries d’obligations pour le salarié, une à l’égard de l’employeur, et l’une à l’égard de la Sécurité Sociale. Le fait d’exercer une activité non-autorisée par le médecin durant un arrêt, et, pire, de l’exercer en dehors des heures de sortie autorisées, ne concerne pas directement l’employeur. Il appartient à la Sécurité Sociale de rappeler à l’ordre le salarié contrevenant, et, si les circonstances le justifient, de lui couper l’indemnisation. L’employeur ne peut directement sanctionner un salarié ne respectant pas les conditions de son arrêt. Il peut éventuellement diligenter son propre contrôle, stopper le versement de la part employeur du maintien de salaires, et signaler à la Sécurité Sociale toute irrégularité constatée.
Vis-à-vis de l’employeur, le salarié reste principalement tenu par cette fameuse obligation de loyauté. La Cour de cassation juge de longue date que, pour constituer un manquement à l'obligation de loyauté, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise. Concrètement, la déloyauté sera généralement caractérisée si le salarié travaille pour la concurrence. Certains cas observés dans les conseils de prud’hommes s’appuient sur des actions pouvant également faire courir un risque à l’employeur, comme celui d’un salarié donnant son pass à certains collègues durant son arrêt.
Dans notre cas, il était reproché au salarié d’avoir travaillé sur un chantier durant son arrêt, et durant ses heures de sorties, et d’avoir récupéré des bidons abandonnés pour le chantier. Point intéressant, la Cour de cassation prend le temps de rappeler que, lorsqu’un salarié est en arrêt d’origine professionnel, l'employeur peut seulement lui reprocher des manquements à l'obligation de loyauté.
En l’occurrence, l’employeur ne pouvait démontrer l’existence d’une activité concurrente exercée par le salarié. Au-delà du fait que le coup de main du salarié pour le coulage de la dalle était donné à titre amical et bénévole, l'employeur ne démontrait pas que le salarié aurait perçu une rémunération pour celui-ci.
Ainsi, selon la Cour, il appartient donc à l’employeur de justifier de l’exercice d’une activité concurrente, ce n’est pas au salarié de justifier que son travail était effectué à titre gratuit (sachant qu’il est toujours difficile d’apporter la preuve de ne pas avoir perçu quelque chose). L’employeur ne peut ainsi licencier le salarié sur la base de simples rumeurs et observations, il doit être capable de prouver par A + B que celui-ci bien été rémunéré pour la prestation. Il ne peut tirer d’abord, laissant ensuite au salarié la charge de se justifier.
Sur les autres griefs, la Cour rappelle que le fait pour le salarié d’exercer une activité en dehors des heures de sorties autorisées n’est pas le problème de l’employeur, et que récupérer des bidons usagés et destinés à la benne ne constitue pas une faute grave (qu’en aurait-il été si le salarié ne les avait pas jetés ensuite dans la poubelle jaune…).
Conséquence néfaste pour l’employeur, le licenciement d’un salarié en arrêt, faute d’un motif valable, encourt la nullité.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2024, 23-13.056
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